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Photo du rédacteurPatrick Gheysen

Eglises repères, ou églises repaires ?

L'Eglise, et les chrétiens qui la composent, ont souvent eu, par le passé, une parole pertinente dans la société en devenir. L'Eglise avait en son sein des hommes visionnaires, avant-gardistes, audacieux, prêts à mettre leurs convictions en oeuvre au service de tous en cherchant à changer la société - et pas toujours en voulant l'évangéliser coûte que coûte, mais en voulant simplement l'humaniser. Aujourd'hui, l'Eglise a perdu ses convictions et ses prophètes.

Ceux qui la composent croient toujours en certaines valeurs, mais ils ne partagent plus l'esprit de solidarité humaine. Ils sont comme des collectionneurs de timbres qui se retrouvent entre eux pour des échanges et des partages, mais qui ne sortent plus de leur club. Eux, ils collectionnent quelques principes et quelques vertus. Ils se retrouvent ensemble pour en parler et s'extasier entre eux de vieilles pièces de collections qu'ils ont pu sauver du monde perdu.

C'est en cela que l'Eglise est devenu repaire où les chrétiens se repèrent pour se réfugier.

Il faut retrouver non pas les convictions chrétiennes mais ce qui les a motivé. Dans le meilleur des cas, les convictions sont des architectures intellectuelles et émotionnelles construites sur les bases fondamentales que propose l'Evangile. Le problème est que les chrétiens ont réduit le terme fondation à son sens premier. Le propre d'une fondation est d'être fixée et figée en terre. Plus une fondation est solide, moins ce qui la surmonte bouge. Qu'importe ce qui s'élève dessus - et qui peut être n'importe quoi dans n'importe quel style - la fondation est immuable.

Or, ce qui fonde le christianisme est une vérité qui ne cesse d'être en mouvement pour demeurer vraie à toutes les époques et dans toutes les cultures. Les chrétiens ne doivent pas se figer dans des règles et des attitudes, ils doivent sans cesse être en mouvement, s'adapter à l'environnement pour y apporter sens. C'est la vocation d'un peuple nomade, passager dans le temps de tous. Dès qu'il se fixe, il construit un système de pensée et de vie ; il s'immobilise surtout et perd sa pertinence en même temps que sa mission.

Fort des vérités évangéliques, le chrétien avance et voyage, rencontre et traverse. Le Christ ne s'est jamais fixé en un lieu en encourageant le peuple à venir le rencontrer là, comme aiment à le faire les gourous de toute sorte. Le Christ est un itinérant et même lorsqu'on le fixe en croix et qu'on l'enferme dans un tombeau, il n'y reste pas. Il poursuit sa route et envoie ses disciples jusqu'aux extrémités de la terre.

Pour que l'Eglise redevienne pertinente et repère, elle doit éviter de s'installer dans des certitudes humaines et saisir le paradoxe : un repère n'est pas nécessairement un point fixe !


Eric Denimal pour Paraboles.net Tous droits de reproductions réservés.


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