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Bruno Dal-Palu

La bénédiction des « emmerdeurs » ?

"Il leur dit encore : Si l'un de vous a un ami, et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: Ami, prête-moi trois pains, 11.6 car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n'ai rien à lui offrir, 11.7 et si, de l'intérieur de sa maison, cet ami lui répond : Ne m'importune pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner des pains, - 11.8 je vous le dis, même s'il ne se levait pas pour les lui donner parce que c'est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait tout ce dont il a besoin. 11.9 Et moi, je vous dis : Demandez, et l'on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. 11.10 Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe. 11.11 Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson ? 11.12 Ou, s'il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion ?11.13 Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint Esprit à ceux qui le lui demandent." Luc 11 : 5-13


On pourrait résumer cette parabole ainsi : c'est une histoire de trois amis, dont le deuxième est gêné de ne pas bien accueillir le premier qui, lui, va en déranger un troisième pour lui offrir trois pains. Or cette parabole nous est souvent présentée comme celle de l'exhortation à persévérer dans la prière. L'argument développé par Jésus de Nazareth étant le suivant : si nous acceptons de nous laisser déranger par un ami sans gêne, à combien plus forte raison Dieu miséricordieux exaucera les prières de ses enfants bien-aimés !


Ainsi il nous est souvent dit que cette parabole n'illustre pas tant la persévérance dans la prière (pour cela, cf. plutôt Luc 18 :1 que nous commenterons une autre fois), que l'encouragement à la prière et l'audace dans la prière. Rien ne doit nous dissuader d'invoquer le Père céleste, car nous serons exaucés. Or comme par hasard le passage central de ce texte métaphorique est souvent peu commenté : " je vous le dis, même s'il ne se levait pas pour les lui donner parce que c'est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait tout ce dont il a besoin. ". Pourquoi un tel oubli ? Et bien tout simplement parce qu'en apparence il s'agit d'un formidable encouragement « aux casse-pieds » pour ne pas dire entre les guillemets qui s'imposent : une belle prime aux « emmerdeurs » dont on ne saurait que faire. En effet, autour de nous et particulièrement dans les églises, ils sont souvent légion, et dérangent allègrement prêtres, pasteurs et anciens plus qu'à leur tour, pour que l'on prie pour eux ou leurs enfants, leur travail, ou pour leurs voisins qui les maltraitent ou bien encore pour en finir avec la solitude qui les taraude, et même parfois ils demandent l'intercession pour leur vieux chien à l'agonie…Si bien qu'en général, on devient peu enclin à les soutenir dans cette attitude. Or, Jésus qui aimait les pauvres, les prisonniers et les prostituées, aimait-il aussi les emmerdeurs que nous sommes tous en puissance? Sans doute, mais cette parabole nous encourage-t-elle à le devenir davantage ? Sûrement pas ! Pour autant le cœur de ce texte nous exhorte à devenir des Sujets qui assument leurs désirs en tenant compte de l'autre.



Cela s'entend dans l'inter-dit du texte, qui nous rappelle que celui que certains commentateurs appellent le « sans gène », est un ami, ce n'est pas « le pénible de base » qui va déranger tout le monde sans culpabilité, à commencer par son voisin ami. Celui qui est « importun » n'est pas celui qu'on pense au premier abord du texte, mais bien l'ami qui ne se réjouit pas qu'un vrai ami ose le déranger sans avoir peur de perdre son amitié, ce qui est finalement une belle marque de confiance, tandis que celui qui hésite à lui rendre le service qu'il réclame, est-il vraiment son ami ?


Or, dans cette parabole celui qui dérange n'est pas en position « d'emmerdeur » mais bien en place de Sujet, qui se soutient de son désir de faire plaisir au premier ami qui lui a fait la surprise d'arriver à l'improviste, et qui en appelle à l'amitié d'un troisième pour honorer le premier. C'est là précisément le projet de Dieu pour l'humanité et dans sa relation avec les humains, nécessairement pénibles de part leur besoin incommensurable de désirer sans cesse. D'ailleurs, Jésus en rajoute lorsqu'il dit : « Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui le demandent .»


Ainsi, nous les mauvais, autrement dit les pêcheurs, pourquoi cette parabole nous encourage t'elle à déranger nos amis et Dieu comme ami suprême ? C'est parce que lorsqu'à l'aide de nos proches on arrive à être Sujet, on peut l'être devant Dieu, c'est-à-dire des êtres debout, non serviles, mais dérangeant l'ordre établi pour recevoir la manne suprême, sous forme ici de trois pains pour nourrir le corps, l'âme et l'esprit, qui procurent la Paix intérieure promise par Dieu.


Pour obtenir cette nourriture, cette parabole nous invite aussi à « demandez, et l'on vous donnera... » : C'est la promesse solennelle de l'exaucement. Trois impératifs présents, suivis de trois futurs d'avenir. "Demandez", "Cherchez", "Frappez". Ces trois verbes expriment avec une gradation la démarche du croyant (non-violente cela va sans dire).


Prier, c'est demander, implorer un ami et Dieu avec courage et confiance. Chercher, ce que l'on n'a pas là où on peut le trouver, auprès d'un ami ou de Dieu. Frapper, c'est bien sûr frapper à la bonne porte, même sans rendez-vous, déranger, importuner, sachant qu'on sera toujours reçu, par un ami, un vrai, et notamment par Dieu le plus grand des amis, le seigneur, le Roi des rois.


Et à chaque étape de la démarche correspond une promesse qui nous permet d'avancer sans crainte. Si cela vaut le coup de demander, c'est parce qu'on nous donnera. S'il vaut la peine de chercher, c'est parce qu'en cherchant on trouve. S'il est possible de frapper, c'est parce qu'il y a derrière la porte quelqu'un qui nous aime, qui ne demande qu'à nous recevoir et nous écouter, que cela soit un ami, un amour, et plus encore Dieu.

Avignon Bruno Dal-Palu. Texte rédigé pour Paraboles.net. Tous droits de reproduction réservés.

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