Le poids de la grace
Un trésor est caché dans nos limites, nos errances, nos tâtonnements, nos doutes. C'est le trésor de la semence qui est en terre, prête à germer. C'est l'espérance du fruit qui, en son temps, paraîtra au grand jour. C'est le cycle vertueux de la vie qui se fraye, encore et encore, un chemin au travers de la lourdeur et de la dureté de la terre. Et cette richesse intérieure en gestation, sans doute invisible aujourd'hui, est déjà la lumière de demain...
Patrick Gheysen (extrait des Paroles du jour de Paraboles.net)
Dans quelle catégorie pourrions-nous nous classer nous-mêmes ? Sommes-nous en apesanteur ou bien écrasés par la pesanteur du quotidien ? Entre ciel et terre, entre nos racines et nos ailes, sommes-nous plutôt en orbite du côté des "choses célestes", ou bien collés au sol, lourdement lestés par les tracas et les soucis qui nous accablent au jour le jour ? Par choix, je pense que nous aimerions tous de préférence planer dans la stratosphère, nous sentir perpétuellement légers, détachés des circonstances qui régulièrement nous traquent et nous encerclent comme une armée implacable. Trop souvent, la réalité nous rattrape et dissipe les douces brumes de nos rêves, de nos attentes, de nos illusions, mais aussi de nos désirs les plus légitimes !
Comme le disait si bien Michel Quoist, (prêtre et écrivain) : « Nous sommes perpétuellement écartelés entre l’infini de nos désirs et les limites de nos moyens ». Ce que confirme l’écrivain Jean Sulivan lorsqu’il fait remarquer que le croyant, bien qu’ayant été éveillé par la Parole de Dieu, doit « tenir sa place dans la caravane », dans le cortège de l’humanité, comme les autres… Ailleurs, il précise encore d’avantage sa pensée : "L'Eglise est la communion de tous ceux, ni meilleurs ni pires, dont le regard est réglé sur une autre distance, qui ont l'air de désigner un "territoire" humain où la nuit est un peu moins dense, et qui donnent envie de croire que c'est de ce côté que l'aube poindra".
« Ni meilleurs ni pires »… Tout est dit ! C’est une parole de maturité qu’il peut être dur d’entendre, et pourtant, c’est aussi une parole de grâce, qui nous rappelle que notre regard, notre manière de considérer les choses, va fortement conditionner la mesure d’espérance et de foi qui nous habite et nous porte, jusque dans la banalité de notre quotidien. En hébreux d’ailleurs, un seul mot désigne la source et l’œil, ce qui nous amène à cette question : notre regard est-il chargé d’espérance, ou bien résigné, voire même amer ? Savons-nous voir les choses d’en haut, et prendre de l’altitude dans les moments difficiles ? Notre regard est-il bien réglé, ou bien sommes-nous des myopes ou des hypermétropes de la foi ?
La foi n’est pas un diplôme qui fait de nous des gens « meilleurs que les autres », mais elle est néanmoins porteuse d’une différence qui n’est pas anodine : tel que nous sommes, nous avons, au travers de la foi, découvert et reçu "quelque chose de meilleur » ! La foi est donc aussi une responsabilité. Celle-ci ne doit pas nous accabler, mais nous inviter à accueillir au plus profond de nous-même à la fois « l’apesanteur et la pesanteur de la grâce ». Car c’est un fardeau, comme nous le rappelle Jésus, qui est « doux et léger »…
Et pour en terminer, laissons l’écrivain Reiner Maria Rilke nous apporter sa conclusion : "Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses."
Patrick GHEYSEN Tous droits réservés pour paraboles.net