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Photo du rédacteurPatrick Gheysen

Vous avez dit païens ?

Bannir de notre vocabulaire les étiquetages outrageants, épurer nos intellects de toute arrière-pensée discriminante, et savoir développer de nouvelles terminologies bienveillantes et amicales pour définir ceux qui n'adhèrent pas à nos « credo » : défi impossible ?

Dans nos milieux évangélico-bien-pensants, il est courant de parler des « non-chrétiens », des « non-convertis », et des « non-croyants », pour définir « ceux du dehors », c'est-à-dire globalement tous ceux qui ne se réclament pas du christianisme. Paradoxalement, nous avons souvent tendance à faire preuve de plus de tolérance envers les « non-croyants », parce qu'il est relativement facile de respecter le fait que des personnes aient choisi de ne pas croire, ou de considérer qu'elles n'ont pas encore été confrontées à l'annonce de la « Bonne Nouvelle ».


Pour ce qui est des « non chrétiens », ou des « non convertis », les choses se compliquent, puisque dans le non-dit s'immisce un sous-entendu péjoratif : ces gens-là sont en fautes, puisqu'ils n'adhérent pas à notre foi et qu'ils sont visiblement hermétiques au message salvateur de l'évangile. En d'autres termes, ce sont presque des « sous-hommes (et des « sous-femmes »), que de nos jours on n'ose plus appeler « païens », parce ce serait très insultant, mais on en pense pas moins…


Ne parlons pas de « ceux du dehors », parce qu'à ce stade-là, cette terminologie relève d'une forme de mépris drapé de bienveillante spiritualité, qui masque avec plus ou moins d'efficacité une bonne dose d'hypocrisie …Les parias, les mécréants, les « gens de ce monde » se retrouvent donc étiquetés bon grès mal grès, et stockés dans un état d'exil plus ou moins permanent, dont ils ne sont d'ailleurs pas forcément très conscients, n'ayant pas les même concepts en terme de barrières, limites, et autre démarcations cultuelles. En fait, ils ne savent pas en dehors de quoi ils se retrouvent définis comme étant exclus !


S'agirait-il de la part des chrétiens « labellisés » d'une forme de racisme insidieux et subconscient ? Et où se situe la frontière entre un désir sincère de voir les « non-chrétiens » embrasser nos convictions (à ne pas confondre avec nos certitudes), et une certaine condescendance, pour ne pas parler de la tentation ultime de l'ostracisme et de la réprobation ouverte !


Epineux débat, puisque Jésus lui-même parle des païens, et qu'il ne nie pas qu'il s'agit d'une catégorie « à part ». Les païens de l'époque, ce sont globalement tous les non juifs, et plus particulièrement les romains, c'est-à-dire les « occupants ». Inutile de dire qu'ils ne sont guère appréciés ! Les païens d'alors, ce sont également ceux qui aujourd'hui s'appellent les « palestiniens », et qui furent auparavant les fameux philistins, contre qui le peuple hébreux mena de nombreux combats acharnés pour conquérir la terre promise. Une vraie poudrière !


Mais Jésus semble prendre un malin plaisir à « coincer » ceux qui écoutent ses enseignements, en jouant avec beaucoup d'astuce de cette cohabitation délicate et forcément conflictuelle. Regardons ensemble les passages suivants :


Matthieu 5.45 … Votre Père qui est dans les cieux fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n'agissent-ils pas de même? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même? Luc 7.7 … mais dit un mot, et mon serviteur sera guéri. Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j'ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l'un: Va! et il va; à l'autre: Viens! et il vient; et à mon serviteur: Fais cela! et il le fait. Lorsque Jésus entendit ces paroles, il admira le centenier, et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit: Je vous le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi grande foi


Dans la première référence, Jésus assène à ses contemporains le théorème bien connu de « Balayez devant votre porte avant d'aller demander des comptes à vos voisins ! », ou en d'autres termes : « Avant de critiquer les publicains et les païens, essayez d'abord d'assurer en interne le service minimum en terme d'amabilités réciproques, et cessez d'exclure en permanence les « autres » de votre sphère relationnelle… ». Il s'agit ici d'un véritable appel à lutter contre toute forme de ségrégation, puisque Dieu lui-même répands avec générosité les bienfaits de son soleil sur les uns comme sur les autres, sans en filtrer les rayons à l'aune d'une quelconque adhésion à telle ou telle doctrine, foi ou croyance particulière…


Dans la deuxième référence, Jésus va encore plus loin, en témoignant de son admiration envers en soldat romain et en faisant son éloge devant une foule composée à n'en pas douter de nombreux juifs. Pourtant, Jésus est d'habitude plutôt avare de compliments ! Ce qui donne d'autant plus de poids à cette prise de position publique, qui risque même de faire passer Jésus pour un « collabo » !


La leçon reste donc d'actualité pour nous, à une époque où plus que jamais il semble difficile de mesurer la cohérence de notre visibilité dans une société laïque et républicaine, qui prône des valeurs d'égalité, de tolérance et de respect de la liberté de conscience. Saurons-nous relever ce défi, alors que le contexte actuel nous invite à plus d'engagement, plus de présence et plus de pertinence dans les grands débats qui agitent notre société ? Bannissons donc pour commencer de notre vocabulaire les étiquetages outrageants, épurons nos intellects de toute arrière-pensée discriminante, et sachons développer de nouvelles terminologies bienveillantes et amicales pour définir ceux qui n'adhèrent pas à nos « credo »… Place à l'imagination et à la créativité, le concours est ouvert, et tous ceux qui voudront participer à ce débat seront les bienvenus !


Patrick GHEYSEN Webmaster de Paraboles.net


Commentaires :

Titre de l'article : Vous avez dit païens Nom ou Pseudo : Manu Pays : France Réaction : Votre édito m'interpelle ! C'est vrai que dans mon église, on a plutôt tendance à se méfier de "ceux du dehors". Il est impératif de les aider à se convertir, mais déconseillé de trop les fréquenter, comme s'ils étaient porteurs d'un virus. Alors, pour s'approcher d'eux sans prendre de risque, on fait des "efforts d'évangélisation", avec des chapiteaux, des opérations porte ouverte, des soirées à thèmes, etc... On ne s'expose pas trop, on garde ses distances, tout étant censé leur témoigner l'amour de Dieu, ce qui est un comble ! Mais c'est un sujet qui est difficile à aborder, parce que les membres de mon église veulent tellement être "saints" et se préserver de toute forme de pollution spirituelle, qu'il est difficile de leur faire comprendre qu'ils vivent dans une "bulle spirtituelle" d'autoprotection ! Manu, qui s'accroche !

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