Ame sœur, cœur Net
Des Sites de Rencontres pour les chrétiens victimes du célibat.
Qu’on se le dise, sur Internet les chrétiens ne draguent pas comme tout le monde. Pendant que le commun des mortels s’esquinte à chasser le célibataire sur Meetic, un petit nombre de croyants - à la louche 15 000 en France - flirtent désormais sur les sites communautaires. Des espaces réservés aux cathos, à la limite aux chrétiens, mais pas plus. Sur les trois dernières années, une quinzaine de ces sites de rencontres ont envahi le marché français. Les agences matrimoniales spécial catho, comme Saint-Raphaël, ont vite flairé l’embrouille et ramené illico leurs miches sur le Net (1). Et, dans cette guerre des cœurs priants, un seul objectif : faire dans le sérieux, le moral, le fidèle. Car pour le chrétien assidu aux sites communautaires, plus question d’aller traîner sur ce «baisodrome» qu’est devenu Meetic, il lui faut du solide.
Mariage. Christelle, 40 ans, catholique pratiquante, est célibataire depuis cinq ans. A priori, la quadragénaire n’avait rien contre Meetic. Elle y était même inscrite. «Dès que je me suis rendu compte de la frivolité des échanges, j’ai fui.» Par pudeur, elle préfère ne pas détailler. Là voilà sur Theotokos, site réservé aux chrétiens, où elle a déposé son annonce : «J’ai un profond désir de me marier et de vivre une vie de famille fondée sur le respect et l’attention à l’autre.» Un peu plus loin : «Je suis catholique pratiquante, la vie de prière est très importante pour moi.» Quant au profil de l’homme recherché : «catholique pratiquant».
C’est clair : Christelle n’est pas là pour dragouiller. Et puis il convient d’ajouter un détail important : la célibataire suit à la lettre la morale sexuelle de l’Eglise. Elle n’envisage donc aucune relation sexuelle avant le mariage. «Lorsqu’on se donne, il faut que ce soit de façon totale, par le sacrement du mariage. Mais aujourd’hui, plus personne ne partage cette vision des choses.»
C’est d’ailleurs sur cet écueil que sa dernière grande histoire s’est brisée. «Il voulait qu’on habite ensemble sans être mariés. J’ai rompu.» Christelle a mis du temps à se reconstruire et ne veut plus vivre la même déception. «Au moins, sur un site où l’on est sûr de pouvoir rencontrer de belles âmes, ça rassure.»
Selon Pascal Lardellier, sociologue qui étudie le phénomène des rencontres en ligne, cette tendance à l’endogamie sur le Net n’a rien de surprenant. Elle concerne d’ailleurs autant les les chrétiens que les juifs ou les musulmans. «Après le début des années 90, où Internet apparaissait comme un eldorado relationnel, un immense melting-pot, les utilisateurs ont rapidement déchanté, car les barrières sociales demeurent. Aux Etats-Unis, les espaces de rencontres se sont vite sectorisés, mais en France l’idéal républicain a freiné cette évolution. Reste que ces dernières années la sectorisation a pris de l’ampleur. Et les religions sont les premières concernées, puisqu’elles façonnent la conception de la relation amoureuse chez les croyants.» Selon le sociologue, les sites généralistes sont devenus «de formidables machines à créer des histoires d’amour, mais surtout des rencontres sans lendemain. Par opposition à cette légèreté, les sites chrétiens misent sur la rigueur morale.»
Anne-Lise Lothelain, créatrice du site Theotokos, a intégré ce besoin de sérieux. Elle-même catholique, la jeune femme a décidé de lancer sa petite entreprise après avoir participé à une retraite pour célibataires organisée par des catholiques. Son constat : «Beaucoup d’entre nous vivent le célibat comme une blessure. Ils ne veulent pas d’une aventure d’un soir mais sont en quête de l’âme sœur, qui partagera leurs valeurs.»
Sur la page d’accueil de Theotokos, une photo montre donc deux jeunes époux en plein échange d’alliances. On y trouve également des espaces de prière et dossiers sur des thèmes aussi frivoles que la «fidélité» ou «le don de soi».
Chez Mariage chrétien, on y va même à coups de «plan antipirate» et de «charte chrétienne». Avant de s’inscrire, on apprend donc que, pour en être, il faut promettre de «croire sincèrement à l’existence d’un Dieu unique». Ou encore qu’il convient d’accorder «sa vie privée et publique avec l’enseignement contenu dans le Nouveau Testament», et surtout de «souhaiter rencontrer des personnes célibataires et de sexe opposé». Homosexuels et femmes adultères s’abstenir !
Cantique. Une fois inscrit sur l’un de ces sites, il ne reste plus qu’à chercher l’âme sœur. C’est ce que fait Agnès, 38 ans. Elle a même rédigé un message plus ou moins codé dans son annonce. «Je cherche mon bien-aimé, celui que mon cœur aime…» Vous n’y êtes pas ? Il s’agit d’une référence directe au Cantique des cantiques, reprise par Marie-Madeleine dans les Evangiles.
Pour le reste, les outils sont plus ou moins les mêmes que sur un site généraliste. Mais tous les chrétiens ne se ressemblent pas. Jean, lui, est inscrit sur Meetic. «Sur mon profil, j’ai indiqué que j’étais catholique, point barre. Sinon, je cherche des filles qui me plaisent, mais la religion n’a jamais été un de mes critères. L’important quand même c’est plutôt la photo, non ?»
(1) Theotokos.fr, Sanctusraphael.com, Mariage-chretien.com
CHLOÉ ANDRIES
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