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Photo du rédacteurPatrick Gheysen

Béatrice... une interview de Chine !

J'ai 40 ans. Mon mari, Thierry, est responsable d'une maîtrise en informatique ici à l'université du Sichuan, en Chine. Je donne des cours de français à la même université et à l'école normale, j'apprend le chinois et je m'occupe de nos 2 enfants de 7 et 5 ans.

Interview :



Béatrice, tu es française et tu vis en Chine avec ton mari et vos deux enfants. Comment vous êtes vous retrouvés dans cette "lointaine contrée", et comment se passe l'intégration dans un pays qui avait la réputation d'être très "fermé" ?


Notre venue en Chine est comme pour chacun de nos séjours à l'étranger le fruit du "hasard", de coincidences, et de notre propension à être à l'affût de propositions intéressantes mais aussi certainement le cadeau de Quelqu'un qui connaît très bien nos goûts et aspirations ! En fait, après un an passé à Paris, Thierry a vu une annonce intéressante sur le site internet de sa compagnie et il a postulé. Comme notre fille est chinoise, nous avons pensé que l'opportunité ne se présenterait peut-être pas deux fois de découvrir son pays et que des choses fascinantes nous attendaient certainement là-bas. Y aller en temps qu'expatriés est d'autant plus facile que les conditions matérielles sont avantageuses. Bien sûr nous sommes loin de Pékin et de sa vie trépidente mais nous le prenons comme un avantage car nous avons l'impression de mieux nous imprégner de la culture chinoise ici dans le Sichuan que dans la capitale. Quant aux enfants, ils sont pour nous un modèle d'adaptabilité et apprennent avec un vrai plaisir l'anglais et le chinois.


Je ne voudrais pas brosser un tableau trop idyllique de la Chine. Il faut bien sûr s'adapter à une façon de faire et de penser parfois aux antipodes des nôtres, mais il est vrai que nous vivons des moments riches en rencontres diverses et ce surtout au sein du petit peuple... Il faut savoir que la Chine est tout de même plus ouverte qu'auparavant du moins au niveau économique et qu'elle connaît le taux de croissance le plus élevé au monde, même si cette croissance ne profite pas à tout le monde.... La plupart des étudiants rêvent de compléter leurs études à l'étranger pour y acquérir un savoir faire et satisfaire leur curiosité de l'occident. Quant à l'ouverture politique, si elle n'est pas terrible, je me garderai de faire trop de commentaires quand on voit ce qu'on a fait de la démocratie aux dernières élections ...

Tu es, comme tu le dis toi-même, née dans une famille 100 % huguenote, et Thierry est catholique. Est-ce que pour vous le fait d'avoir ainsi des enracinements différents s'est avéré une richesse, ou bien plutôt une source de difficultés ?


Au début, les choses n'ont pas été faciles. Thierry était le premier catholique à entrer dans la famille et pour moi si fière de l'identité contestataire de l'Eglise réformée, si fière de la façon dont les pasteurs de la région exerçaient leur ministère, je n'étais pas prête à m'ouvrir à une autre façon de vivre la foi car ce que je voyais de l'église catholique, mis à part certaines personnes rencontrées à Viviers lors de retraites oecuméniques, n'était que rites mortellement ennuyeux... Nous avons eu maintes discussions et affrontements mais finalement, tout cela a abouti à une meilleure compréhension de l'autre et de notre propre église. Thierry me posait des questions que je ne me serai jamais posées toute seule et vice-versa. C'est alors que nous avons commencé notre cheminement dans l'oecuménisme avec, entre autres, la communauté du Chemin Neuf. J'ai aussi pu voir une autre facette de l'église réformée en vivant à Lyon. Une église aux enseignements édifiants certes, mais où l'accueil se limite souvent à un bonjour sur le perron du temple. J'ai eu souvent l'impression là-bas comme à Paris plus tard que l'organisation de ces églises visait plus à un but social et humanitaire que spirituel. Ma vision de l'église réformée en tant que telle s'est alors quelque peu modifiée, et j'en souffre car j'aime cette église par bien des côtés. Comment avez-vous réussi, entre votre parcours en France, la période au Canada, celle au Japon et maintenant la Chine, à trouver des lieux de culte et de fraternité pour vivre votre foi et trouver la nourriture spirituelle dont vous aviez besoin ?​


Tout au long de notre parcours nous avons cherché et trouvé diverses églises. Nous y avons rencontré des individus extraordinaires. Toutefois, nous avons été souvent déçus par la rigidité des structures.

Au Québec, Si certains membres de l'Eglise protestante nous ont très bien accueillis,nous étions dérangés par le manque de joie et par la rigidité dans la foi dont l'apothéose a été un exposé sur la prédestination qui nous a définitivement fait fuir ! Une autre église protestante nous a rappelé Lyon par son indifférence et sa monotonie.

Aussi, lorsque la communauté du Chemin Neuf a commencé à s'implanter par le biais des sessions Cana, nous nous sommes tout de suite engagés. Nous avions vraiment aimé notre expérience en France qui avait beaucoup bénéficié à notre couple, mais avons vite déchanté car nous avions l'impression de suivre un sentier obligé. A force de répondre aux mêmes questions et de vivre les mêmes démarches, si bonnes soient elles, nous avons perdu l'élan qui nous animait. De plus j'ai assez de mal avec les offices. Bref j'aspirais à une innovation que je n'ai pas trouvée, du moins au Québec.


Dans notre démarche de recherche d'église nous avons cheminé un petit peu avec l'église du Christ, et nous avons eu un sérieux problème de conflit avec les responsables. Au début, les gens sont extrêmement chaleureux, vous invitent à dîner,vous aident concrètement, mais petit à petit l'espace de liberté se restreint,les études bibliques sont un parcours obligé et presque mathématique et l'on doit se soumettre aux responsables qui envahissent tous les domaines de la vie privée. Nous n'avons bien sûr rien accepté et surtout pas un deuxième baptême (car on ne reconnaissait pas le nôtre). Les responsables nous ont accusés d'orgueil et promis à mille malédictions non réalisées jusqu'à ce jour...;-) Cette église est tout-à fait sectaire et nous ne la mettons pas au même plan que les autres, mais voilà où peut mener une soif d'authenticité et d'amour quand on les cherche en vain... Nous avons fini par fréquenter diverses églises anglophones ou francophones, fait un détour chez les évangéliques dont le fondamentalisme nous a vite étouffés, (d'autant plus que leur rejet en bloc de l'église catholique me semble bien catégorique)et finalement nous avons apprécié le petit groupe de l'université de Montréal, animé par un pasteur protestant, où nous abordions des thèmes variés en compagnie de protestants, catholiques ou athées. Nous allions le plaisir de weekends de ski ou randonnées avec la réflexion, le chant et la prière. C'est au cours d'une de ces rencontres que nous avons fait la connaissance, entre autres, de l'auteur de la Bible des contrastes qui nous a beaucoup touchés par ses dessins si sobres et si parlants. Par ailleurs, je rencontrais régulièrement une amie catholique rencontrée à la CCN pour prier et une soeur catholique qui m'a accompagnée psychologiquement et spirituellement dans un institut catholique.


Au Japon, nous habitions une petite ville à 100 kilomètres au nord de Tokyo. Nous fréquentions un peu l'Eglise catholique dont le prêtre est français, mais la difficulté de la langue et la monotonie des rites ne nous enthousiasmaient pas vraiment. Nous avons même fait des études bibliques avec des Mormons américains pour connaître leur doctrine...Là-bas aussi ce sont les rencontres individuelles qui ont le plus compté. Je me suis par exemple liée d'amitié avec une de mes voisines, et découvert qu'elle était pasteur ! Pour ce qui est de la Chine, il y a ici une église catholique d'état qui ne nous intéresse pas vraiment et des missionnaires protestants qui gèrent l'école de nos enfants. Ils sont plutôt évangéliques et nous aimons leur musique et leur louange mais ils semblent fonctionner en circuit fermé. Il faut dire à leur décharge qu'il faut être prudent quand on évangélise en Chine...


Tout cela pour dire qu'en prenant un peu de recul, je m'aperçois que j'ai rencontré, dans chacun de ces mouvements des gens extraordinaires avec lesquels je reste en relation et qui forment pour moi une église éclatée et à multi facettes. Pour ce qui est des structures, le problème est simple: soit je suis une inadaptée chronique soit les structures ne sont pas adaptées pour des gens comme moi. J'ai souvent l'impression que les responsables d'église s'accrochent à une façon de faire et ont peur de perdre pied en explorant des rivages inconnus. Ils ont également peut-être peur de perdre de leur pouvoir.. Personnellement, pour le moment en tout cas, je ne désespère pas et je reprends même espoir en parcourant un site comme Paraboles !

Puisque tu as beaucoup voyagé, penses-tu que, en tant que chrétiens, nous sommes invités à ouvrir les yeux pour découvrir les richesses des autres religions, des autres cultures, tout en restant enracinés dans la Parole, ou bien est-il plus prudent, comme beaucoup le pensent, de ne pas trop s'aventurer en "eaux troubles" ?


Pour moi l'ouverture est un défi mais aussi une nécessité, et la diversité des cultures une source d'émerveillements infinis. je crois que l'autre, dans sa différence est aussi un reflet de notre Dieu, une facette que nous gagnons à découvrir tout en restant enracinés sur notre roc (il faut bien entendu que nos racines soient solides). J'étouffe dans les milieux où l'on se congratule de détenir la vérité, quels qu'ils soient.


Tout au long de mon cheminement, j'ai beaucoup appris de ceux qui sont différents de moi. J'ai été bouleversée par leurs paroles et par leur foi (que je croyais n'appartenir qu'à des engagés chrétiens) et agréablement surprise par l'ouverture dont font preuve par exemple les bouddhistes. A Bali, c'est la façon toute naturelle qu'ont les hindous d'intégrer la religion au quotidien qui m'a séduite. Et elle est à la source d'un art florissant. J'ai aussi trouvé chez certains athées un humanisme que beaucoup de chrétiens n'ont pas, et qui n'est pas motivé par un espoir de gratification post mortelle mais par un amour gratuit. Selon moi, toutes ces religions, tant qu'elles ne versent pas dans l'intégrisme, valent la peine d'être explorées.


En tant que "Surfeuse Parabolienne", qu'attends-tu d'un site tel que Paraboles.net, et quels sont les défis qu'il devrait, selon toi, relever ?


J'attends d'être surprise, bousculée, enseignée, motivée, encouragée... ! Je crois que la diversité des thèmes, des personnes visitant le site et donnant leur opinion peut ouvrir à plus de liberté et plus de réflexion. La plupart des messages sont profonds et non exempt d'humour, ce qui ne gâche rien ! J'aime revenir sur une intervention, un message, quand je le veux et avoir la possibilité d'y répondre instantanément. Est-ce de la paresse ? Je n'ai jamais fait cela par courrier postal. Je suis particulièrement intéressée à en savoir plus sur les autres religions que je connais si mal, et plus spécialement sur les différentes écoles de bouddhisme, mais aussi sur l'Islam et le taoisme (même si ce n'est pas vraiment une religion) car ce sont là des religions toutes représentées en Chine.

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