Eric Deminal
Éric Denimal est né en 1953. Après des études en théologie protestante, il a animé des émissions sur RMC dans le cadre de Radio Évangile puis s'est consacré à la réinsertion d'hommes en difficulté dans le Nord. Pasteur, il a été chargé de la communication de l'Alliance évangélique française. Ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire Le Christianisme au XXe siècle, il dirige aujourd'hui les Éditions LLB (Ligue pour la lecture de la Bible). Journaliste, conférencier, chroniqueur radio, il est également l'auteur d'ouvrages sur la foi protestante.
Interview :
Eric Denimal, vous avez été amené à plusieurs reprises à aborder un thème innovant, mais brûlant d'actualité : "églises repères, ou églises repaires". Cette question nous semble fondamentale, alors que la visibilité des églises protestantes évangéliques dans notre société semble stagner, sinon décliner... Pouvez-vous nous expliquer le fondement de votre raisonnement sur ce thème :
Il devient banal de dire que notre société a perdu ses repères. Quoiqu'il faudrait plutôt dire que notre société s'est donnée de nouveaux repères lesquels sont à son image : amour (de soi), gloire (et puissance) et beauté ! Quand la jeunesse rêve de Star Academy ou de PopStars, on note facilement le désir de paraître, de réussir dans la gloire éphémère des projecteurs et de devenir quelqu'un, même si ce n'est que poudre aux yeux et paillettes médiatiques. Quand on voit l'attitude irresponsable des gens sur les autoroutes ou dans les banlieues, on mesure la soif de pouvoir (vitesse et violence) sans parler du peu de cas de l'autre et le défi permanent des autorités. Quand on pousse l'incivilité au niveau de sport national, on comprend la montée des peur et des haines. Je pourrais donner cinq ou six exemples de ce type à la lecture de chaque page de mon quotidien.
Partout, on tente de colmater en mettant en place des mesures d'urgence et en improvisant de nouvelles règles, plus oppressives les unes que les autres. Plus on nous parle du respect des libertés, plus on met en place une législation de surveillance et de sanction. Mais, les pouvoirs publics ont des moyens hypothétiques pour mettre en pratique leurs soudaines volontés. Dans ce contexte, plus personne n'ose rappeler les devoirs ou, lorsqu'il le fait, se voit taxé de "réac", le nouveau sida moral !
L'Eglise, et les chrétiens qui la composent, ont souvent eu, par le passé, une parole pertinente dans la société en devenir. L'Eglise avait en son sein des hommes visionnaires, avant-gardistes, audacieux, prêts à mettre leurs convictions en oeuvre au service de tous en cherchant à changer la société - et pas toujours en voulant l'évangéliser coûte que coûte, mais en voulant simplement l'humaniser. Aujourd'hui, l'Eglise a perdu ses convictions et ses prophètes.
Ceux qui la composent croient toujours en certaines valeurs, mais ils ne partagent plus l'esprit de solidarité humaine. Ils sont comme des collectionneurs de timbres qui se retrouvent entre eux pour des échanges et des partages, mais qui ne sortent plus de leur club. Eux, ils collectionnent quelques principes et quelques vertus. Ils se retrouvent ensemble pour en parler et s'extasier entre eux de vieilles pièces de collections qu'ils ont pu sauver du monde perdu. C'est en cela que l'Eglise est devenu repaire où les chrétiens se repèrent pour se réfugier.
Quelles sont selon vous les "remèdes" pour permettre aux églises de devenir d'authentiques points de repères, clairement identifiés par nos contemporains ?
Il faut retrouver non pas les convictions chrétiennes mais ce qui les a motivé. Dans le meilleur des cas, les convictions sont des architectures intellectuelles et émotionnelles construites sur les bases fondamentales que propose l'Evangile. Le problème est que les chrétiens ont réduit le terme fondation à son sens premier. Le propre d'une fondation est d'être fixée et figée en terre. Plus une fondation est solide, moins ce qui la surmonte bouge. Qu'importe ce qui s'élève dessus - et qui peut être n'importe quoi dans n'importe quel style - la fondation est immuable.
Or, ce qui fonde le christianisme est une vérité qui ne cesse d'être en mouvement pour demeurer vraie à toutes les époques et dans toutes les cultures. Les chrétiens ne doivent pas se figer dans des règles et des attitudes, ils doivent sans cesse être en mouvement, s'adapter à l'environnement pour y apporter sens. C'est la vocation d'un peuple nomade, passager dans le temps de tous. Dès qu'il se fixe, il construit un système de pensée et de vie ; il s'immobilise surtout et perd sa pertinence en même temps que sa mission.
Fort des vérités évangéliques, le chrétien avance et voyage, rencontre et traverse. Le Christ ne s'est jamais fixé en un lieu en encourageant le peuple à venir le rencontrer là, comme aiment à le faire les gourous de toute sorte. Le Christ est un itinérant et même lorsqu'on le fixe en croix et qu'on l'enferme dans un tombeau, il n'y reste pas. Il poursuit sa route et envoie ses disciples jusqu'aux extrémités de la terre.
Pour que l'Eglise redevienne pertinente et repère, elle doit éviter de s'installer dans des certitudes humaines et saisir le paradoxe : un repère n'est pas nécessairement un point fixe.
Regardez l'admiration, la fascination et même la dévotion que suscite le Dalaï Lama. Voilà un homme qui devient repère divin pour bon nombre de personnes. Or, privé de Tibet, il n'a pas de lieu et il sillonne le monde avec une foi itinérante. Repère Mobile !
En sommes nous arrivés au point de "soupirer" après une nouvelle réforme ? Dieu devrait t'il nous sortir de son "chapeau" quelques nouveaux Luther et autres Calvin ? Ou plutôt, sommes nous tous appelés à nous réformer constamment, à un niveau personnel et communautaire ?
La réforme n'est pas une initiative de l'Eglise. Elle vient d'un homme, d'un visionnaire, d'un prophète qui, de surcroît, n'invente rien. Luther a redécouvert, dans son monastère augustinien, ce qui était dans la Bible que son Eglise lisait depuis quinze siècles. Il n'a rien inventé. Pas plus que Calvin, Wycliff, Jean Huss ou Pierre Valdo avant lui. Ces hommes se sont mieux mis à l'écoute de la Bible et y ont retrouvé ce que le temps, l'habitude et la tradition avaient recouvert. L'Eglise ne sait faire que des Contre-Réformes comme celle qui s'est manifesté au Concile de Trente et qui était réaction et opposition à Luther. Luther aurait pu rentrer dans le rang, mais sa conviction était faite d'une obéissance à Dieu plus qu'à son Eglise. Il en est sorti (forcé, excommunié, mis dehors !). Encore un mouvement qui propulse hors des repaires. Vous avez raison, c'est Dieu qui peut sortir de son chapeau de nouveaux réformateurs. Cela ne s'invente pas non plus. Mais en attendant, ce qui est important, c'est de revenir aux sources. Chaque personne peut, aujourd'hui, sans préjugé, sans contrainte, sans contrôle, lire l'Evangile et s'en faire sa propre opinion. Un défi qui n'en est pas vraiment un, mais plutôt une piste qui peut devenir l'élargissement de nos horizons. On constatera que nous ne retournerons pas dans un passéisme nostalgique ni dans des repères poussiéreux, mais que nous réinvestirons le présent (au lieu de le subir et ensuite chercher refuge-repaire) pour envisager avec audace l'avenir de la société tout entière.
Commentaire : Titre de l'article : Eric Denimal Nom ou Pseudo : Serval Email : sereval.sarcastic@wanadoo.fr Réaction : Bof! Il s'il y a de bonnes choses, lire l'évangile,en une; sans formation c'est une idée utopique que de prétendre le comprendre et s'il n'y a rien à comprendre pourquoi le lire? La formation est une déformation, comme la traduction est une trahison. Laisser le temps au temps, que Dieu nous tape sur l'épaule et nous choisisse comme un de ses enfants. En attendant partageons toutes les doses d'amour de l'amour fraternel, à l'amour conjugal( ou extra-conjugal) c'est peut-être une manière de donner envie à Dieu de nous choisir. Un poete Psalmiste Ps 94 v8 : Prenez y garde, hommes stupides! Insensés, quand serez-vous sages? S'agit-il d'une leçon de morale? Une de celle qu'affectionnent, nombre de membres d'Eglises, qui trouvent dans la Bible tout et n'importe quoi, de quoi justier les pires crimes contre l'humanité dont la guerre en IRAQ et ailleur, l'apparteid en temps utile.