L'efficacité de la parole
" Il faut croire à l'efficacité de la Parole "
La prédication tient une place primordiale dans la tradition réformée, comme l'explique le pasteur réformé Serge Oberkampf : " Toute prédication doit comporter une part de polémique. Si non, on risque de tomber dans l' écclésialement correct et l'ennui. "
Entretient avec Serge Oberkampf de Dadrun, pasteur de la paroisse réformée de Luxembourg à Paris.
Interview : Pour les protestants, quelle est la place de la prédication ?
Dans les Eglises de la Réforme, la prédication est un élément central et majeur. Elle est au coeur de la célébration du dimanche. On raconte que Calvin prêchait plus d'une heure tous les jours ; aujourd'hui, nous nous limitons d'ordinaire à un quart d'heure. Les protestants vont toujours au culte pour la prédication. il peut y avoir des cultes sans eucharistie, il ne peut pas y avoir de culte sans prédication. La prédication est le lieu par exellence par lequel Dieu rejoint et interpelle les hommes.
D'où l'importance du prédicateur...
Calvin disait que le prédicateur, c'est la bouche de Dieu, celui qui a la charge de dire Dieu. Notre Dieu a adandonné tous ses pouvoirs, il n'a gardé que la parole. Et dans la foi nous croyons que par le prédicateur s'exprime une alchimie étonnante entre le Saint-Esprit et le Bible. Convaincu que l'Evangile annonce un Dieu qui aime et qui libère, la pasteur s'efforce de faire comprendre aux croyants les incidences de leur foi sur leur existance quotidienne. Il cherche à la fois à saisir le sens des textes et à traduire ce sens dans les préoccupations de ses contemporains.
Beaucoup reprochent aux homélies, catholiques ou protestantes, d'être ennuyeuses...
Parce que souvent, elles ne sont que des exposés bibliques ou des discours plus ou moins moralisateurs. Il faut que la prédication soit centrée sur l'Evangile, et prononcée dans une langue simple que tout le monde puisse comprendre. Ce n'est ni le lieu ni le momment d'étaler tous ses savoirs.
Aimez-vous prêcher ? *
La prédication est au coeur de notre ministère. Si un candidat au pastorat n'aime pas prêcher, il vaut mieux qu'il réfléchisse sur son orientation. D'ordinaire, au cours de leurs années de formation, les étudiants reçoivent un cours spécifique d'homilétique ; en outre, ils sont très rapidement mis en situation de devoir prêcher devant de véritables communautés. Mais durant les études, l'accent principal est mis sur la Bible.
Comment prenez-vous en compte la diversité de vos assemblées ?
Savez-vous d'où vient le succès de San Antonio ? C'est que tous les lecteurs y trouvent de quoi rire, mais tous ne rient pas au même endroit. Dans la prédication, c'est un peu pareil ! Il faut que tout le monde puisse s'y retrouver. J'essaie d'en avoir le souci. En introduction au livre de prédications que vous venez de publier (Evangile au risque de la Parole, éditions Onésime 2000), vous écrivez que " la prédication ne doit pas viser le consensus, mais au contraire être assez salée pour provoquer des débats, même parfois un peu vifs "...
Oui. Je crois que toute prédication digne de ce nom doit comporter une part de polémique. Sinon, on risque de tomber dans l' "écclésialement corect" et dans l'ennui. COmme vous le savez, le livre de l'Apocalypse vomit les " tièdes ". Mieux vaut la réprobation plutôt que l'ennui, l'adversité plutôt que l'indifférence.
Le P. Robert Scholtus, supérieur du Séminaire des carmes (Institut catholique de Paris) vous a invité à parler de la prédication à ses séminaristes début février...
Que le rencontre se fasse sous forme d'une conférence ou d'échanges dialogués, je vais commencer par leur demander ce qu'est l'Evangile pour eux. De leur réponses et de ce qu'ils en feront dépendra l'Eglise de demain. S'ils se contentent de paraphraser des textes sans s'engager, sans montrer que quelque chose ou Quelqu'un les habite, ils peuvent être sûrs que leur prédication ne passera pas. Je vais aussi leur dire mon souhait que, dans l'Eglise catholique, l'homélie soit revalorisée. Elle est, me semble-t-il, bien souvent le parent pauvre de la célébration dominicale. J'ai le sentiment que les prêtres ne travaillent pas assez leur prédication. Il faut croire à l'efficacité de la Parole.
Propos recueilli par Bernard Jouanno
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